COURTISANE
Une des caractéristiques de la seconde moitié du XIX° et du début du XX° siècles est d’avoir vu l’avènement des courtisanes,aussi nommées, avec de notables nuances de niveau dans la société fréquentée , « Cocottes «, « Lorettes « « Biches « , »Demi-Mondaines « , »Demi-Castors « , « Membres de la garde ou de la haute bicherie « , « Archidrôlesses « , »Lionnes « etc …dont les plus célèbres , richement entretenues et vivant dans un luxe tapageur ,fréquentaient tous les notables de la société de l’époque , gens de lettres , princes et rois compris …les autres évoluant à divers niveaux dans les bals célèbres de l’époque : »Chartreuse c » , « Closerie des Lilas « , Bullier « etc ....
Observant d’un œil inquisiteur ces Léa d’Asco, Deslions, Païva,Nana,Lagier ,Cora Pearl ,Marie Colombier ,Limouzin, Ratazzi Barucci,Ozy,Liane de Pougy, Cléo de Mérode, Émilienne d’ Alençon,Nandette Stanley, Berthe d’ Égreville, ,Valtesse de la Bigne, Liane de Laney,Irma de Montigny,Aymienne de Mirecourt,Marie Colombier,Régine de Montille et autres Blanche D’artigny, Thérésa, Claudon, Belle Otéro , Eugénie Fougère ,Nini-Belles dents,Athalie bébé,Tape-à-l’œil,Rigolette ou Darcier certains chroniqueurs n’ont pas manqué de s’interroger sur leurs livres , leurs lectures et leurs rapports avec l’univers des lettres et de l’écrit…..
Il semble que , dans l’ensemble , elles aient assez peu lu mais ,les règles du paraître imposant la possession de livres , elles en eurent et les Goncourt ,visitant la bibliothèque de « La Païva «,y notèrent la présence d’ouvrages considérés comme des « Bréviaires* « de l’état de courtisane : « Manon Lescaut « de l’abbé Prévost(1728/31),les « Mémoires de Mogador « de Céleste Veinard (1854) , « Les amours du chevalier de Faublas « de Jean Baptiste Louvet de Couvray (1787/90) ou « Questions de mon temps » d’Émile de Girardin (1836/46)
Quelques unes écrivirent leurs mémoires comme , par exemple,Mademoiselle Aglaë « comédienne, courtisane et femme de bien «….ou « Valtesse de la Bigne « (voir plus bas )
Pour ce qui est de leur correspondance elles privilégiaient ces papiers « de luxe « au décor tapageur que réprouvaient les manuels de savoir-vivre biens-pensants de l’époque mais que préconisaient certains autres comme , par exemple , le « Manuel des élégantes « qui , en 1805 écrivait : « Rien n’est plus digne d’une petite maîtresse que d’écrire un billet * avec de l’encre d’or* sur du papier rose marqué de jolies vignettes * et avec de l’encre d’argent sur du papier bleu de ciel …et de la cacheter à la cire parfumée à la rose des freres Graffe … »
On a moins de renseignements sur les courtisanes de second rang ,nommées « Lionnes » et « Tigresses » - que furent Marguerite la Huguenotte alias Rigolboche , Elisa Belle-jambe,Bébé de Cherbourg ,Cigarette, Chicardette, Grille d’égoût,La Goulue,Alice la provencale,Nini belles-dents, Mogador ,Clara Fontaine, Élise dite » La reine Pomaré «,Mousqueton,Jeanne la Juive,Pauline la Folle,Maria les yeux bleus,Marie la Gouape,Pochardinette ,Carabine,Louise le blonde,Rose Pompon , Eugénie la Chichinette,La Bouchère,Mélinite,Sauterelle,Nini-patte en l’air ,Cascadeuse, La môme Cricri,Clair de lune,Serpentine, Cgarette , Cha-Hu-Kao, Tour Eiffel, Rayon d’or,Demi-Siphon , La môme fromage ou cette Clémentine Pomponette qui se piquait de littérature et disait avoir composé un vaudeville et quelques autres reines éphémères des bals de barrière , Casinos ,Moulins , Folies ,Mille colonnes ,Délassements,Bal Mabille,Bouis-bouis,Bastringues , Caboulots ,Beuglants, Bataclans, « Petit Balcon « , « Balajo « , « Papillon », « Petit Jardin », »Tourbillon « , « Pernety » , « Tholozé « et combien d’autres .. qui,telle Rigolboche , publièrent parfois leurs mémoires et dont quelques littérateurs ne dédaignèrent pas de parler comme , par exemple, Théophile Gautier qui signala la reine Pomaré dans le « feuilleton de la presse » du 26 Août 1844 ou Romieu qui écrivit à sa gloire une chanson à succès :
« O Pomaré,ma pauvre et folle reine :
Garde longtemps la verve qui t’entraîne
Sois de nos bals longtemps la souveraine… «
Il est probable que leur bibliothèque fut moins fournie que celle des courtisanes ayant tenu le haut du pavé ….
Il est permis cependant insister sur deux cas à part sortant un peu de l’ordinaire :
-Tout d’abord « La Claudon* « qui fit relier luxueusement ses livres en tissu et de façon si originale que le terme « reliure à la Claudon « a été consacré par l’usage.
TOUS DÉTAILS CONCERNANT CETTE RELIURE SERAIENT LES BIENVENUS...
-Ensuite ,Louise Émilie Delabigne qui s’anoblit elle-même en « Valtesse de la Bigne « ,fut la maîtresse de la plupart des célébrités de son époque dont dit-on Napoléon III qui ,entérinant son auto anoblissement , l’éleva au rang de comtesse et , ne dédaignant pas les charmes de son propre sexe fut aussi l’amante de cette autre courtisane célèbre que fut Anne Marie Chassaigne anoblie sur ses conseils en « Liane de Pougy « ….
Nombre d’ écrivains,tels Octave Mirbeau , Arsène Houssaye, ÉmileZola , Pierre Louÿs ou Théophile Gautier,succombèrent à ses charmes , et , pour certains d’entr’eux elle fut une égérie dont ils s’inspirèrent pour quelques uns de leurs personnages .
C’est ainsi que la « Nana « de Zola, qui lui déplût fortement car elle la trouvait vulgaire , semble lui devoir beaucoup , et qu’Edmond de Goncourt la consulta pour camper le personnage de « Chérie « .et ,que, non contente de ces simples influences, elle publia en 1876 un roman autobiogaphique , « Isola « , sous le pseudonyme révélateur d’ « Ego «,( typographié fautivement en grec « ε γ ω « par l’imprimeur ..) dont elle avait fait sa devise largement affichée sur tous ses objets personnels
Surnommée « Rayon d’or « par certains en raison de la flamboyance de sa chevelure,celle que d’autres nommèrent « Altesse de la Guigne « eu égard au nombre de suicides qu’elle suscita , ne finit pas dans la misère comme nombre d’autres courtisanes , mais , sans doute es-ce en grande partie dû à son décès brutal à l’âge de seulement 52 ans qui lui permit d’aller reposer dans la somptueuse tombe qu’elle avait fait édifier dans le cimetière de Ville d’ Avray …
Enfin , pour conclure , signalons la fréquente confusion faite entre les divers types de courtisanes et les « Midinettes *« et « Grisettes *« qui , elles , avaient une vie rangée et travaillaient … (Voir ci-dessous )
MIDINETTE
Le mot fait référence aux ouvrières des grandes maisons de confection qui ,disposant de peu de temps pour leur repas de midi faisaient la dinette au jardin des Tuileries.
Mais le terme désigne aussi de façon plutôt méprisante un genre littéraire très prolifique, privilégiant le romantisme et les histoires d’amour, et qui s’exprime sous de multiples formes : photo*-roman-collections spécialisées (“Harlequin” par exemple..)-littérature de gare* etc...
La tradition voulait les midinettes un peu naïves et friandes de cette littérature sentimentale que d’aucuns qualifient de « Sous-littérature « ou de façon moins avenante de :”littérature de concierge *, de grisette*, de femme de chambre * …” , “Harlequinade * “, « Roman de speakerine * «….
GRISETTE
L’appellation que l’on trouve déjà au XVIII° siècle , notamment sous la plume de Louis-Sébastien Mercier dans son « Tableau de Paris « désigne une jeune fille qui travaille….et qui ne doit pas être confondue avec la lorette -qui vit de ses charmes …
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L’expression “ Bibliothèque de grisette “ qui fut autrefois courante et qui a aujourd’hui quasiment disparu était assez péjorative et désignait une bibliothèque axée sur les œuvres sentimentales et un peu mièvres et était synonyme des expressions plus récentes “ Bibliothèque de midinette * ou de concierge* “ et “ Harlequinade * “
Au début du XX° siècle les deux principaux éditeurs du genre étaient Renault et Krabbe et un article de la fin du XIX° siècle consacré au sujet recense dans les chambres sous les toits des grisettes des romans simples , des condensés d’œuvres plus classiques,des almanachs dont celui de “La closerie des lilas “ , des chansons parfois grivoises (“Goguette de Lilliput “ ...) des “ Clefs des songes “ ,des “ Voix du destin “des ,”Sybille couleur de rose “ et autres “Oracles des dames et des demoiselles” ....