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17 septembre 2020 4 17 /09 /septembre /2020 08:31

TOMBEAU         

                                   1)Livre ou œuvre poétique faisant l’éloge funèbre d’une personne disparue ,en dressant une biographie en général très flatteuse s’apparentant parfois à une Hagiographie* ou œuvre poétique qui lui est dédiée .

               

                       Les tombeaux peuvent être fort courts comme  celui composé par Colletet  pour son épouse qui ne comportait que quatre vers et s’apparentait d’avantage à une épigramme *  ou fort longs comme ceux réunissant  des écrits  d’auteurs divers qui y insèrent parfois des œuvres originales .

                       Certains de ces tombeaux sont de véritables anthologies * comme , par exemple , celui composé en 1873 en l’honneur de Théophile Gauthier et auquel participèrent Hugo , Mallarmé,Hérédia,Leconte de Lisle,Anatole France,Sully Prudhomme etc ..etc ...

                       D’autres  , par leur style,ont  annonçé l’avènement d’un nouveau genre : James Hervey  avec ses Méditations par exemple (1770)

                        Ils donnèrent parfois lieu  à représailles comme lorsque Ronsard s’abstint(en prétextant prudemment un excès de chagrin…)  de participer  au tombeau  publié à l’occasion de la mort du roi Henry II qui lui avait refusé une pension suite à sa querelle* avec Saint Gelais

                       La pratique ,si courante à l’époque classique ou ils furent innombrables,en persista    jusqu’au milieu du XX° siècle : Mallarmé écrivit des “ tombeaux “ pour Edgard Poe ,  et Verlaine (1867);Pierre Louÿs pour Baudelaire (« Mais lui,dieu de lui-même,unique,et sans aïeul «  ) , Roland Dorgelès  pour les écrivains morts au combat de 14 ( « Tombeau des poètes «  ) et aussi et surtout pour son fils Anatole mort en 1879 à l’âge de 8 ans  pour lequel il écrivit un « Tombeau » de 212 feuillets jamais publiés -Claudel pour Raymond Radiguet et Paul Éluard ;Pierre Bost pour Antoine de saint Exupéry ,Jules Supervielle pour Giraudoux(1946); La revue “ NRF  “ pour Jules Supervielle ( 1962) etc.....

                       Les “ Tombeaux  “ , œuvres poètiques de qualité , ne doivent pas être confondus avec les “ Pompes * funèbres “   qui , au XVIII° siècle étaient des œuvres de qualité très variable et souvent  burlesques ni avec les “ Éloges * et Oraisons * funèbres “  .

                       Il est arrivé que l’on emploie ce qualificatif au figuré pour désigner des  œuvres qui ne sont pas réellement des «  Tombeaux « : «  La princesse sous verre «  de Jean Lorrain (1896) a été ainsi nommée  ,car l’auteur,obéissant peut-être à un désir de vengeance , y a représenté Catherine Pozzi ,pourtant alors  bien vivante , sous la forme d’une princesse endormie pour l’éternité dans un cercueil de verre .

 

                       Le tombeau peut aussi être un texte ou une œuvre musicale écrits dans une circonstance dramatique ou pour exprimer la douleur ressentie à la perte d’un être cher sans que celui-ci y soit très précisément évoqué.

 

                        Le mot était devenu quasi obsolète jusqu’à ce que le film «  Tous les matins du monde «  ne lui redonne une nouvelle  jeunesse en évoquant l’œuvre musicale intitulée  « Tombeau des regrets «  écrite par le  joueur de viole Sainte Colombe pour sa défunte épouse...

 

                       On peut , dans une certaine mesure considérer que toutes les revues du type «  Les amis de …. » ou «  Les Cahiers … » vouées à perpétuer le souvenir d’auteurs disparus ressortent de cette catégorie et , des «  Cahiers André Gide «  à « l’Imprimerie Gourmontienne «en passant par « les amis de Colette, Balzac, Flaubert ,Saint Exupéry, Paul Léautaud  etc … » ces tombeaux sont innombrables …

 

                       Les   complainte * ,nénie*,Thrène,Condoléances* ,  et “ Consolation  *  “ y sont apparentés …

 

                       Lorsqu’ils comportent des œuvres dédiées mais non spécialement écrites  , les «  Tombeaux «  s’apparentent un peu aux mélanges * qui , eux , sont destinés aux vivants … 

                       Il est arrivé que des cheveux* de la personne que l’on honore soient utilisés dans le décor de la reliure de certains tombeaux selon une technique analogue à celle utilisée pour les « Bijoux en cheveux «  ou la «  Bagomanie * « 

 

                       Parfois les tombeaux ne se contentent pas d’être une simple œuvre littéraire mais se parent d’une reliure très ostentatoire qui prend des allures de cénotaphe :on peut comme exemple du genre citer la reliure épigraphique à la grecque  revêtant le tombeau (cote Bn : Res.fol.Lb.103) que Catherine de Médicis fit composer en 1559  par Pierre Paschal  en l’honneur d’ Henri II et qui est conçue pour être exposée comme un tableau  et non rangée dans les rayonnages d’une bibliothèque.

   

                                               2)Les tombeaux, au sens de sépulture ,  des écrivains et “ Gens du livrene différent guère de ceux des autres catégories de la population et on y rencontre la même  diversité : tombe anonyme (Boris Vian ) , disparue ( Sade ) ,simple tombe en pleine terre (une foule d’écrivains ), modeste dalle (Baudelaire )  , mausolée imposant (Renan), sépulture dans une église (Bossuet -Jean Cocteau),mystère quand à son véritable emplacement ( Voltaire  )   etc ..etc

                       Nombre d’écrivains avaient , par testament* , laissé des instructions concernant leur sépulture ,directives pas toujours respectées par leur entourage  lorsqu’elles allaient à contre-courant des usages du temps ...

                       On peut,à ce propos ,  remarquer que les écrivains révoltés,non conventionnels  ou contestataires ont d’une façon générale  souhaité être inhumés  dans une sépulture de style  convenu et classique et souvent après un passage à l’église malgré un vie d’athéisme..... ..la plupart des  surréalistes sont dans ce cas.

                       D’autres ont essayé d’organiser la disparition de leur sépulture : ce fut le cas du marquis de Sade qui avait donné des directives précises : »La fosse une fois recouverte ,il sera semé dessus des glands ,afin que par la suite   les traces de ma tombe disparaissent de dessus la surface de la terre …. » ....directives non suivie par son entourage, ce qui lui valut plus tard une exhumation* et des études phrénologiques*    contradictoires de son crâne ...

                       Mais , le désir qui revient sans doute le plus souvent est celui de ne voir prononcer aucun discours lors de leur inhumation ...sans doute parcequ’ils en connaissaient  toute l’hypocrisie et la fausseté pour les avoir pratiquées...!

                       Nombre d’écrivains  se singularisent cependant par la longueur des épitaphes * qui,surtout dans les églises,  fut parfois telle que leurs éxécuteurs testamentaires durent les abréger ...

                       ll est arrivé que des personnages soient enterrés avec leurs livres et c’est  ce qui a permis aux plus vieux ouvrages connus de nous parvenir : papyrus Prisse *  qui est le plus ancien connu ,  évangile de 687 trouvé en 1104 dans la tombe de Saint Guthbert qui est la plus vieille reliure * connue , Bibliothèque de Li Cang enterré en Chine au II° siècle avec tous ses livres ,livres de l’empereur chinois  Taizong  au VII° siècle , de Rashid al-Din en 1318  ,”Evangiles du couronnement de la vierge “,parchemin de pourpre et d’or  trouvés sur les genoux  de Charlemagne lors de l’ ouverture de sa tombe ordonnée par Othon III  en l’an 1000,livres et écritoire de Nostradumus joints à son corps  en 1566 etc ...etc ...

                       Cependant , cette coutume qui fut observée durant de longues années est peu à peu tombée en désuétude et , lors des multiples exhumations qui eurent lieu durant  de la période révolutionnaire aux fins de récupérer le plomb * des cercueils on ne trouva  guère de livres et les  relations  des “ derniers  * moments  “ que nous avons concernant de nombreux écrivains n’en font pas état ...tout au plus sait-on que l’on mit dans le cercueil de Victor Hugo  des photos de ses enfants et petits enfants et divers médaillons de bronze et que le musicien Francis Poulenc mit le manuscrit de son ballet érotique “ Les Biches “ dans le  cercueil de Raymonde Linossier , la “ Violette * noire “ inhumée à Valence en 1930.

 

                       Plus insolite , les cendres * du scénariste de BD Mark Gruenwald  ,mort et incinéré en 1996, furent mélangées à  de l’encre et servirent à imprimer des “Comics *   “ ...l’écrivain s’enterrant en quelque sorte lui-même dans son œuvre dans une espèce de mise en abyme*

 

                       Une pratique qui perdura longtemps (et qui est encore en usage pour les papes… )voulait que les sceaux des personnages importants soient brisés à leur mort et ensevelis avec eux...ce qui permit d’en retrouver quelques uns lors d’exhumations 

 

                       Parfois , l’humour noir s’en mêle   …c’est ainsi que Julien Barnes remarquant que la tombe des Goncourt voisinait au cimetière Montmartre avec celle des Bluebell Girls nota (in « Rien à craindre «  ) que le hasard s’était plu à rapprocher deux façons bien différentes de manier la plume !    

   Certains ont vu dans la pratique du tatouage le désir inconscient d’amener avec soi dans la tombe une œuvre aimée .

             

Dans de nombreuses œuvres  littéraires  les auteurs ont mis en scène des personnages  exprimant le souhaitant d’être unis dans la tombe avec un être cher : Œdipe ( Corneille), «Olinde ( Le Tasse ),Roméo (Schakaespeare) ,René ( Chateaubriand ),etc ….

                                               3)Durant fort longtemps de nombreux écrivains publics eurent pour enseigne “ Au tombeau des secrets  “ pour mettre en avant la discrétion inhérente à leur métier .

 

                                               4)” Bureau en tombeau”  est une ancienne appellation du “ Bureau* à dos d’âne*  “ 

 

                                               5)Les publicitaires  nomment “ Pierre tombale une publicité sans fantaisie peu ou pas illustrée et se contentant de respecter strictement les règles admises .

 

                                               6)Le livre lui-même a souvent été assimilé à un tombeau dans la mesure ou les écrits qu’il contient y sont “ ensevelis “ dans un contenant pérenne  dont ils ne sortiront plus .

                                              

                                               

 

         7)Certaines bibliothèques  dont les livres ne sont pas lus ont été comparées à des tombeaux et c’est à leur propos  que Philippe Delerm évoque dans « Le bonheur «  (1986) : « ..la “Recherche du temps perdu ” dans un tombeau d’or repoussé  de cuir macabre … »

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